Étude de protection contre les inondations par ruissellement sur le bourg de l’Ardoise par Yves CAZORLA

Étude de protection contre les inondations par ruissellement sur le bourg de l’Ardoise par Yves CAZORLA, Maire de Laudun-l'Ardoise :
 
Le Conseil municipal a délibéré, le 17 février 2021, pour le lancement d’une nouvelle étude afin de déterminer la protection à mettre à œuvre pour lutter contre les inondations par ruissellement sur le bourg de l’Ardoise. Chacun d’entre nous est en droit de se poser un certain nombre de questions :
Pourquoi a-t-on lancé une étude avec une occurrence centennale puis décennale ?
Pourquoi ne pas les avoir mises en œuvre ?
Pourquoi lancer une nouvelle étude ?
Pourquoi dépenser à nouveau de l’argent public pour la même chose ?
Pourquoi demander à des experts de proposer de nouvelles solutions ?
Dans ce cas, pourquoi avoir fait une enquête publique puisqu'on relance une étude ?
Je peux comprendre qu’on s’y perde un peu et je vais tenter de répondre à ces questions pour que vous compreniez le sens de notre démarche et que vous soyez moins influencés par les informations fantaisistes qui circulent sur les réseaux sociaux.
Le 9 septembre 2002, des pluies très importantes se sont abattues sur le département du Gard.
Sur le flanc des montagnes cévenoles et de l’Aigoual, la catastrophe a pris une ampleur tout à fait exceptionnelle.
Après l’évènement, l’ensemble du département est sinistré. Le phénomène aura causé 24 décès.
La commune de Laudun-l’Ardoise est, elle aussi, touchée au niveau du bourg de l’Ardoise avec des dégâts importants sur les habitations et dans les entreprises du secteur.
Quelques années plus tard, le 17 juin 2008, le Préfet du Gard émet un arrêté pour demander à la commune de mettre en œuvre des protections pour faire face à une inondation par ruissellement en prenant en compte une occurrence centennale en référence à celle du 9 septembre 2002.
L'occurrence centennale représente la probabilité d'un évènement qui se produirait tous les cent ans.
A cette époque, le Maire de Laudun-l’Ardoise fait faire une étude mais ne va pas plus loin.
Ce n’est qu’en 2016 que la commune est rappelée à l’ordre par l’État.
Dans le cadre d’une visite sur site pour le projet de déviation de la RN580 à l’Ardoise, les services de l’État se rendent compte que la commune n’a rien mis en œuvre pour répondre à l’arrêté de 2008.
Ils s’en rendent compte parce que des études hydrauliques sont menées pour la déviation.
La Préfecture établit un rapport de manquement administratif et après de nombreuses discussions, la commune s’engage à mettre en œuvre une solution alternative à celle de l’arrêté de 2008 et lance une étude prenant en compte une occurrence décennale au lieu de la centennale.
L'occurrence décennale représente la probabilité d'un évènement qui se produirait tous les dix ans.
Cette solution alternative est choisie par la commune de façon arbitraire et est acceptée par les services de la Préfecture sans aucune garantie sur le résultat attendu.
Le Préfet signe le 20 décembre 2016 un courrier pour demander à la commune de déposer ce nouveau dossier sous le délai d’un an.
L’étude est lancée mais les dissensions dans la majorité municipale ne favorisent pas l’avancée de ce dossier.
La démission du Maire en décembre 2017 suivie de la démission collective du conseil municipal mettent la commune en difficulté vis à vis de la demande du Préfet.
Il y a ensuite des élections en mars 2018 et la réception d’un projet d’arrêté Préfectoral le 8 avril 2018 soit 15 jours seulement après l’installation du nouveau conseil municipal.
Ce projet d’arrêté fait état de 15 000 € d’amende administrative et de 100 € d’astreinte par jour jusqu’à la remise de l’étude finalisée.
Dès notre élection, nous prenons connaissance des dossiers et des divers manquements de la commune et demandons un rendez-vous avec M. le Préfet pour discuter de cette mise en demeure et des trois autres qu’il avait émises contre notre commune.
Il m’a fait part de son très fort mécontentement sur plusieurs sujets (mises en demeure : étude bassin d’écrêtement, station d’épuration, logements sociaux et PLU) qui trainent depuis des années et sa grande inquiétude.
Il était si mécontent, si hostile et si exigeant envers notre commune que je lui ai dit qu’il n’était pas possible pour nous de répondre à toutes ses demandes dans les deux années restantes du mandat partiel.
Je lui ai demandé de nous laisser du temps pour réagir et pour faire le nécessaire progressivement sans quoi je ne pourrai pas rester Maire de cette commune plus longtemps.
Il a entendu ma demande et nous avons convenu ensemble d’un plan d’actions et de la remise de cette étude avec un nouveau délai.
Nous avons donc finalisé et remis cette étude très attendue à M. le Préfet dans les nouveaux délais imposés.
Il faut savoir que le projet routier de déviation de l’Ardoise et le projet de bassin d’écrêtement étaient intimement liés pour les services de la Préfecture.
L’un n’allait pas sans l’autre et ils ont tenu à ce que les deux enquêtes publiques bien que distinctes, se déroulent en même temps.
Il fallait remettre cette étude au plus tôt.
Tout retard sur l’étude du bassin d’écrêtement impliquait du retard sur la déviation et pouvait remettre en question les trente millions d’euros financés par les divers acteurs publics et mettre en péril ce projet routier, attendu par tout le Département du Gard et important pour le développement économique du Gard Rhodanien.
La commune a ainsi échappé à de fortes amendes in extremis en faisant un travail important en un minimum de temps.
Les pénalités annoncées par l’État auraient sans aucun doute été infligées à la commune et l’auraient mise en difficulté.
L’État a montré qu’il pénalisait les communes en cas de manquement et nous en avons fait la malheureuse expérience à Laudun-l’Ardoise : La commune conduite par mon prédécesseur n’a pas respecté l’objectif triennal 2014-2016 de création de logements sociaux et nous sommes pénalisés depuis 2017 à hauteur de 100 000 € par an.
Ceci nous a rendu les choses encore plus difficiles en ce début de mandat partiel de deux ans.
C’est une preuve que l’État pénalise les communes quand elles ne respectent pas leurs engagements et qu’elles ne répondent pas aux mises en demeure.
Je suis allé toutes les semaines à la rencontre des Ardoisiens pour leur expliquer notre démarche afin qu’ils soient bien informés.
Ils ont été très réceptifs et ont compris la position de la commune.
Nous avons eu en parallèle une réunion le 27 mai 2019 avec l’association du comité de défense de l’Ardoise lors de leur assemblée générale pour répondre aux questions et expliquer notre point de vue sur l’étude.
Cette étude n’amène pas grand-chose en termes de protection des habitants et des entreprises de l’Ardoise (gain de 5 centimètres), nous l’avons dit, et met en jeu près d’un million d’euros d’argent public intégralement pris en charge par la collectivité sans aucune aide financière de l'État.
Nous en étions parfaitement conscients et nous avons partagé ce point de vue avec l’association.
Mais la commune était contrainte de la mettre en œuvre vis à vis des divers manquements, de nos engagements dans le passé, de notre responsabilité dans ce domaine, notamment celle du Maire, et nous avons proposé après avoir vérifié la compatibilité avec la solution centennale précédemment étudiée, de considérer cet équipement comme une première phase dans un projet plus important et plus efficient qui en contiendrait deux et qui mènerait à la solution centennale.
C’est ce que nous avons dit à l’association malgré un accueil hostile de son toujours très politique Président, plus préoccupé par la volonté de faire un réquisitoire de plus d’une heure à charge contre moi, que de discuter de la meilleure façon d’agir ensemble dans ce dossier mal engagé par le passé.
Une deuxième phase serait à réaliser par la suite pour bonifier l’ensemble et mieux protéger le bourg de l’Ardoise.
Cette deuxième phase allant jusqu’à un rejet dans le Nizon.
C’est pour cette raison que nous avons demandé à la DREAL, chargée de la maitrise d’ouvrage de la déviation, de prévoir une réservation dans le projet routier pour permettre la réalisation de cette éventuelle deuxième phase.
Lors de la réunion avec l’association du comité de défense, nous avons fait savoir que si le commissaire enquêteur donnait un avis défavorable à l'issue de l'enquête publique, la municipalité s’appuierait sur cet avis pour refuser de mettre en œuvre la solution décennale proposée par l’ancienne municipalité.
Mais elle ne pouvait pas le faire de son propre chef dans le cas contraire, pour toutes les raisons évoquées ci-dessus.
Des affiches réglementaires peu lisibles avec du texte en petits caractères étaient disposées aux endroits réglementaires pour annoncer les enquêtes publiques.
J’ai réalisé moi-même des affiches A4 de couleur avec un texte composé de gros caractères en gras pour une meilleure visibilité afin d’informer plus largement et de façon plus efficace des dates de début et de fin des enquêtes publiques et comment réagir.
Elles ont été placardées sur toutes les vitrines des commerces du bourg pour que les Ardoisiens soient informés de la tenue de ces deux enquêtes publiques et qu’ils aillent en masse à la rencontre du commissaire enquêteur pour donner leur avis sur les deux projets (déviation et bassin).
Malheureusement, le commissaire enquêteur, bien que pas très convaincu par le projet, a donné un avis favorable.
Nous avons alors essayé de trouver d’autres solutions, d’une part pour financer cet équipement et d’autre part pour réaliser un projet mieux adapté avec un plan d’aides de financements.
Une réflexion est menée à ce moment-là pour explorer la compétence GEMAPI qui semble être une opportunité de financement intéressante pour ce type de protection mais au final après consultation de plusieurs spécialistes du domaine, la conclusion est que notre projet ne rentre pas dans ce cadre.
Ce n’est qu’après les élections de mars 2020 et la menace d’un énième projet de mise en demeure de la Préfecture, que nous arrivons à négocier avec l’État quelque chose de plus qualitatif que la solution décennale choisie sans aucune base clairement réfléchie.
Notre acharnement à trouver une « autre » solution et notre collaboration avec la communauté d’Agglomération du Gard Rhodanien et le syndicat AbCèze permet de définir un plan d’actions beaucoup plus cohérent que tout ce qui a été fait par le passé.
Nous l’avons défendu ensemble auprès des services de la Préfecture qui ne voulaient pas d’une autre solution que celle qui avait déjà été réalisée mais ils l’ont finalement acceptée.
Il faut donc lancer une nouvelle étude de type ACB (Analyse Cout Bénéfice) qui va déterminer parmi toutes les occurrences allant de la décennale jusqu’à la centennale, celle qui présente un rapport coût bénéfice acceptable.
Une mesure n’est rentable que si l’ensemble des bénéfices est supérieur à la totalité des coûts.
C’est le principe même de l’ACB que de comparer l’ensemble des coûts et des bénéfices d’une mesure pour évaluer la rentabilité économique de celle-ci.
Plusieurs itérations seront faites pour trouver la solution optimum mais cette étude peut également démontrer qu’il n’y a pas de solution possible vis à vis de l’argent public dépensé et du bénéfice attendu.
Dans ce cas, des mesures de réduction de vulnérabilité des enjeux identifiés et vulnérables au risque d’inondation par ruissellement seront privilégiées.
En outre, cette démarche nous assure des aides financières pouvant couvrir jusqu’à 80% des dépenses engagées dans le cadre d’un PAPI (Programme d’Actions de Prévention des Inondations).
Le dispositif « PAPI » est un appel à projet initié par l’État depuis 2002. Les PAPI ont pour objet de promouvoir une gestion globale des risques d’inondation à l’échelle d’un bassin de risque cohérent, en vue de réduire leurs conséquences dommageables sur la santé humaine, les biens, les activités économiques et l’environnement.
La délibération du conseil municipal pour acter le démarrage de l’étude ACB a permis de suspendre le dernier projet d’arrêté de mise en demeure reçu en fin d’année 2020 qui précisait que la commune était redevable de 1 500 € d’astreinte par jour à compter du 15 janvier (un délai a été accordé pour le passage en conseil municipal du 17 février 2021).
Les membres du groupe majoritaire du conseil municipal sont parfaitement informés et au courant de ce dossier.
Ils ont voté cette délibération en toute connaissance de cause et sont bien conscients que cette étude est nécessaire pour déterminer la protection la mieux adaptée tout en permettant à la commune d'obtenir des moyens de la financer.
Un nouveau projet d’arrêté de mise en demeure avec le plan d’actions détaillé de l’étude ACB devrait nous parvenir sous quelques jours avec l’abrogation de tous les arrêtés pris dans ce cadre ces dernières années.
Il faut maintenant faire confiance aux ingénieurs qui sont des experts, bien plus compétents que la plupart d’entre nous dans un domaine très technique avec un certain nombre de données d’entrée qu’il faut savoir identifier et exploiter pour obtenir un résultat cohérent.
Yves CAZORLA,
Maire de Laudun-l'Ardoise
YC ACB